Le Fer et la Foi

Présentation

Introduction: Le Fer et la Foi

Okeim et Farkeim, son fils, atteignirent le sommet vers midi. C’était une journée claire avec un soleil intense. La vallée était là, à perte de vue.
La tour de fort Paladeim était un point d’observation formidable.
« Mon fils, c’est le jour de tes quatorze ans, demain tu partiras pour l’avant-poste de Blanchegarde. Il y a des choses que tu dois savoir avant de partir, des choses qui nous poussent à accomplir notre destinée. Et moi, ton père, je dois te les enseigner… »

Okeim servit à son fils une rasade d’hydromel et, s’asseyant sur le rebord des remparts de la tour, il prit un instant pour réfléchir à ses paroles. Ensuite, il leva le bras et montra l’horizon à son fils…
« Au-delà des terres de notre dieu de lumière et de justice, se trouvent les terres d’autres dieux…
Il y a à l’ouest les sauvages berserkers du culte de Voorl’ik le dieu de la rage et les terribles chamans de Syrvana la nature mère, ils sont nos adversaires, et nous devons leur être supérieur. Au sud-ouest, il y a nos alliés du culte de la Nadiir la nuit, ils sont différents de nous mais ils font partie de l’alliance comme nous et comme le culte d’Eristia, la connaissance et la parole, qui lui est à l’est.
Mais mon fils, nos véritables ennemis sont au nord, par-delà les brumes gelées, par-delà la forêt de l’hiver… C’est un mal ancien qui lentement s’éveille de sa longue torpeur. Bientôt il faudra lui faire face…
Le culte noir d’Aarh, la mort et le silence…
Nous sommes tous en danger, Elfes, Barbares, humains, Géosiens, titaniens, Loups garous, Deimons et même Lamianes, Orcs ou Gobelins.
La mort n’épargne personne mon fils, et il faudra que tu sois prêt… »

Okeim savait que la prochaine guerre serait meurtrière, il voyait peut-être son fils pour la dernière fois, mais il devait le laisser partir, il ne devait pas être une faille dans l’esprit de son fils car il en était ainsi sur le continent d’Ennoria.
Farkeim, sentit un frisson lui parcourir l’échine, le vent peut être… Puis il s’adressa à son père :
« Père, toi qui connaît la guerre, éclaire-moi de ta sagesse. Comment vaincre les ennemis de Similius mon dieu ? »
A cette question, Okeim se souvint des paroles de son père et de son grand-père avant lui et avec un léger sourire il répondit…

« Avec le Fer et la Foi… »



L'univers

Au commencement les premiers peuples furent crées par les Dieux. Les puissants Titans furent les premiers à fouler la terre, ils étaient doués d’une force et d’une intelligence hors du commun et leur faculté d’adaptation était sans limites.
Ils fabriquèrent des villes gigantesques, inventant l’écriture, les mathématiques, la géométrie et l’art dans le même temps. Ils connurent l’apogée de leur civilisation si vite que les dieux eux-mêmes furent surpris et plein d’admiration pour leur création.
Puis vint l’âge de la création. Les Titans possédaient un si grand savoir qu’ils voulurent créer les jeunes races : les Elfes furent les premiers puis vinrent les Garous et les Orcs, les Barbares suivirent ainsi que les Humains. Ils avaient réussi à créer la vie, et toutes les races allaient vivre sous l’égide des Titans comme eux avaient suivi les Dieux…

Mais les Dieux virent une offense dans l’oeuvre des Titans : ils avaient usurpé le droit des Dieux, ils avaient créé la vie…
Les Dieux maudirent alors les titans, arrachant de leurs têtes le secret de la vie et les condamnant à vivre en égaux avec leurs créations.
Avec le temps, de génération en génération, les Titans devinrent bien plus petits et bien moins intelligents qu’ils ne l’étaient, jusqu'à prendre le nom de Titaniens. La race devint bien moins fertile et bientôt ils furent une des moins nombreuses… Les Titans avaient échoué, mais les jeunes races étaient là et les Dieux s’occupèrent d’elles, les surveillant, faisant en sorte que le monde soit vivable pour elles.

Les jeunes races ne savaient rien des Dieux, elles prenaient de plus en plus de place, s’étalant et adaptant la terre à leurs nombreux besoins. Les Dieux décidèrent qu’il ne fallait pas intervenir dans leur développement sous peine de les voir faire les mêmes erreurs que leur aînés. Ils jurèrent d’observer cette loi sans jamais faillir.
Les différentes races oublièrent l’histoire des Titans avec le temps. Il se passa un nombre incalculable d’années jusqu'à un jour où une guerre éclata entre les peuples, une guerre pour la domination, une guerre pour posséder la terre de l’autre…
Les Dieux observèrent la guerre, se demandant pourquoi les peuples se battaient. Puis une autre guerre éclata, pour la richesse, une autre pour le pouvoir, encore une autre pour le contrôle puis bientôt le monde s’embrasa.
Les Dieux furent peinés et surpris par toute cette violence, la vie n’avait plus rien de sacré pour les peuples, partout où la vie s’étendait, la guerre suivait. Les jours de paix étaient loin. Une guerre succédait à une autre guerre, le cycle paraissait sans fin et les Dieux n'agissaient pas car ils avaient juré de ne jamais intervenir…

Un Dieu cependant restait proche des jeunes races : le dieu de la Mort. Il ne voyait que le désespoir dans les yeux des victimes, il ne voyait que la peur dans les yeux des survivants et la haine dans les yeux des coupables. Ils avaient la terre pour cultiver, ils avaient l’eau pour boire, les animaux pour se nourrir et le savoir pour communiquer et pourtant les peuples s’entretuaient…
Il ne comprenait pas pourquoi, il voulait que cela s’arrête, il fallait que cela s’arrête !
Aarh, car c’était son nom, le dieu de la Mort et du Silence, viola la parole qu’il avait donné aux autres Dieux. Il partagea son savoir avec une humaine au bord du gouffre, une des victimes de la guerre, une fille simple qui s’occupait d’un cimetière.
Elle devint Murmure, sa voix et sa messagère, lui fonda une chapelle.
Le message était simple : les jeunes races avaient échoué et il était temps pour elles de disparaître pour laisser place à un monde sans guerre où les Dieux bâtiraient un monde meilleur…
L’Incarna de Aarh fit bien son travail et des milliers de gens tombèrent. Elle avait littéralement soulevé une armée de fidèles, des victimes, des opprimés jeunes ou vieux. A ceux qui avaient peur elle offrait un masque blanc et ces quelques mots : « Oublis ton nom, oublis ta haine, oublis ton visage et fais de ta peine une arme. Fais de ce masque ton visage, toi foule anonyme deviens le bras de Aarh… »

Les autres Dieux furent surpris de voir le chemin qu’avait pris Aarh. Similius, le puissant dieu de Lumière fut le premier à réagir. Il choisit une simple paysanne et en fit le symbole de son combat contre la mort, il rassembla des fidèles et partit en guerre contre Aarh. Puis les autres dieux firent de même, Voorl’ik et Syrvana, la Rage et la Nature, Nadiir la Nuit et Eristia la Connaissance partirent en guerre contre Aarh.
Les peuples ne se battaient plus pour le contrôle mais pour la survie. Les troupes de Aarh prenaient la vie et se faisaient tuer par les partisans des autres cultes. Mais il n’y avait qu’un seul gagnant, Aarh. Cette guerre sur le continent d’Ennorïl fut baptisée la grande Ennoria et Aarh était en train de la gagner… Alors que le désespoir gagnait le coeur des opposants au dieu de la Mort, les Incarnas décidèrent de se rencontrer pour contrer Aarh.
Ils imaginèrent un plan : chaque culte devrait choisir un champion, un brave, afin d’accomplir une tâche d’une importance capitale pendant que les armées des quatre cultes maintiendraient la pression sur l’armée de Aarh toujours plus grande. Les champions devraient alors s’en prendre directement à Murmure, l’Incarna de Aarh, non pas pour la tuer mais pour sceller ses pouvoirs afin que l’influence du dieu de la Mort faiblisse.

Ils voyagèrent au bout du monde là ou tout avait commencé, la petite chapelle d’un petit cimetière au bout du monde. Là, ils affrontèrent Murmure avec le fer et la foi et ils réussirent à sceller son pouvoir dans la chapelle. Très vite la guerre cessa et ils devinrent des héros.
De par leur acte, le peuple les appela « Chapelains ». Les scellés étaient solides car quasi divins et personne ne pourrait les briser.
La paix reprit ses droits et les cultes devinrent le centre d’attraction des peuples. Chaque culte devint prospère et fort.
Certains Incarnas finirent par se rapprocher de certains de leurs fidèles, de façon intime, et ces relations tabous donnèrent des résultats inattendus : deux races virent le jour, les Deimons et les Lamianes…
Les Dieux décidèrent alors que ce genre d’acte devait être interdit et proscrit, mais les deux races étaient nées, et bien décidés à subsister…
Pouvant s’accoupler entre eux et possédant suffisamment de membres, Deimons et Lamianes allaient connaitre un destin dur mais prolifique. De par la nature proscrite de leur existence, les deux races devinrent synonyme de péché des Incarnas et jamais leur réputation ne seraient lavée. Au bout du compte la société adopta toujours la même attitude à leur égard : le rejet…
Les Titaniens se sentant en déclin firent, contre toutes attentes, preuve d’impulsivité et c’est sans mesurer l’ampleur de leurs actes qu’ils décidèrent, comme leurs ancêtres avant eux, de créer la vie… Mais ils n’avaient ni le talent ni le savoir des Titans et l’expérience se solda par un semi-échec : ils n’avaient pas réussi à créer la vie, mais ils avaient créé quelque chose, une presque-vie…
Les Géosiens étaient nés, fruit de l’alchimie ancestrale des Titaniens et de leur manque de connaissance. Les Titaniens se réjouirent quand même de leur création et pendant une décennie ils prirent soin de ces nouveaux enfants, les éduquant sur la route de la vie. Mais à l’aube de la onzième année après leur naissance, la première génération de Géosiens tomba comme un seul homme… Les Titaniens comprirent alors qu’ils avaient fait une erreur, ils s’étaient pris pour les dieux et, comme leurs ancêtres, ils avaient échoué.
Malgré tout, ils se sentaient responsable de la très jeune race et décidèrent de trouver une solution. Ils transmirent le secret de la création aux Géosiens et les laissèrent choisir leur chemin. Ils s’attelèrent ensuite à trouver une solution à l’espérance de vie réduite des Géosiens, mais jamais ils ne trouvèrent. Certains devinrent fous et d’autres ne purent que se rendreà l’évidence : l’échec était irrémédiable. Le culte d’Eristia offrit alors son aide aux Géosiens et cela devint un projet de recherche sur lequel le culte travaille encore de nos jours…

Au bout du compte la guerre reprit, d’abord pour la croyance, la lumière contre la nuit, la rage contre la stratégie et ainsi de suite.
Même si les guerres furent bien plus petites que la grande Ennoria, elles furent suffisamment meurtrières pour éveiller un mal enfouit dans l’esprit de bien des hommes… Aarh …
Un homme dont le nom a été oublié par l’histoire fit alors la route jusqu’à la petite chapelle du bout du monde afin de libérer l’esprit de l’Incarna. Une fois sur place, il affronta les soldats qui gardaient la chapelle. Seul, il arriva à vaincre une phalange entière de Similius. Sa force venait de sa foi et de sa détermination.
Par miracle il brisa les scellés et libéra Murmure, enfin tout au moins son esprit. L’Incarna prit un nouveau corps, et récompensa son libérateur par un pouvoir incroyable. Il devint alors un héros pour les adeptes de Aarh, celui qui avait brisé les scellés de la chapelle, le Chapelain noir. Il dirigea alors les fidèles du culte de la mort vers une nouvelle Ennoria…
Cette nouvelle grande guerre dura longtemps et fut plus meurtrière encore que la précédente. Plusieurs générations plus tard, les Chapelains se réunirent afin de trouver un terrain d’entente. Ils décidèrent de forger une grande alliance contre l’armée du dieu de la mort. Il faudrait mettre tous leurs moyens et toutes leurs ressources en commun afin de lever la plus grande armée qui soit.
Seul le culte de Voorl’ik et Syrvana décida que cette alliance était voué à l’échec mais, sans la rejoindre, il participerait tout de même à la bataille finale.
La grande bataille pour la survie eut lieu, et c’est au milieu de ce chaos que le Chapelain de Similius, dans un effort héroïque, réussit à prendre la vie de Murmure l’Incarna.
L’alliance écrasa l’armée de Aarh et le Chapelain noir vaincu prit la fuite avec le peu d’hommes qu’il lui restait. Ils étaient si peu que toute menace pouvait être écartée…

L’Alliance prit son essor et devint un gouvernement solide. Il fut décidé que celui qui serait à la tête de l’Alliance serait un chef politique et qu’il ne devrait jamais traiter de religion. Il dirigerait la vie des croyants mais pas leurs cultes et il serait appelé Théocrate.
Les fervents du culte de Voorl’ik et Syrvana se retirèrent vers les royaumes du nord-ouest et ils devinrent fondateurs de cités indépendantes où chaque culte pourrait faire commerce sans les lois de l’Alliance.
Malgré certains affrontements avec le culte de la Rage, l’Alliance et ses citoyens vivent en paix, il n’y a plus de grande guerre et les cités de l'Alliance comme les indépendantes sont prospères, allant même jusqu'à commercer ensemble. Enfin le monde a l’air de se stabiliser…

Chaque culte possède ses propres villes où les lois de l’Alliance sont appliquées. Et chaque culte a une place forte où réside son Incarna. Les chapelains résident à Béryl, la grande capitale, et participent à la vie politique de l’Alliance…
Tout serait parfait sans certains événements en rapport avec les hérétiques, une faction dissidente qui a décidé de ne plus suivre la Voix des Dieux. Les Instances supérieures de chaque culte ont condamné cette pratique et l’Alliance elle-même a déclaré que l’hérétisme devait être condamné et surtout combattu. Le meurtre de Faelar, l'avant-dernier chapelain du culte de Syrvana, et la disparition soudaine des Elfes de la Forêt d'Hiver il y a une vingtaine d’années, ont été l’élément déterminant des lois contre l’hérétisme. Malgré tout le mouvement continu de faire des adeptes…

La pire rumeur vint du nord, elle parlait d'un mouvement au delà de la Forêt d'Hiver. Là où l’armée de Aarh a pris la fuite il y a maintenant très longtemps. Certains prophètes racontèrent qu’un mal ancien s’éveillait…
Les rapports des espions d’Eristia envoyés par le Chapelain Aspériane prévinrent que le culte de Aarh se rassemblait mais que leur nombre reste anecdotique. Néanmoins le conseil théocratique et les Chapelains angoissèrent du retour de l’armée des masques…
Après une longue délibération et dans la peur que Aarh soit de retour, ou que les hérétiques préparent quelque chose, les Chapelains décidèrent de se réunir afin de se préparer à toutes les éventualités. L’Alliance invita même le culte de la Rage et de la Nature à participer au conclave. Mais par soucis de sécurité mutuelle l’un vis-à-vis de l’autre, les deux partis se rencontrèrent dans un petit avant-poste abandonné au centre du continent.

Deux années se sont écoulées dans ce "petit avant-poste abandonné". Mais Balheim apparaît bien plus important que les grands de ce monde semblent le penser...
Car c'est en ce lieu que Grimm, le Chapelain noir, s'est révélé...
Car c'est en ce lieu que la Grande Alliance tend à se former...
Car c'est en ce lieu que Rofos est tombé...
Car c'est en ce lieu que l'Archive a été descellée et son contenu s'est libéré...

Ainsi est la vie sur le continent d’Ennorïl, violente et dure mais également intense et forte. Et plus que partout ailleurs, à Balheim tous vivent par le Fer et la Foi.

Frère Eradoste, Archiviste pour la Gloire d'Eristia.