Le Fer et la Foi

Au fil du temps

Le Solstice d'été

Lorsque le soleil est au plus haut, lorsque la Lumière resplendit sur tous durant le plus grand nombre d’heures, lorsque Ses rayons illuminent les coeurs et les âmes, alors est célébrée la plus grande cérémonie du Culte.
Du lever au coucher du soleil, dix-huit heures durant, des louanges s’élèvent vers les cieux et la joie se répand parmi les fidèles. Dès l’aube, les hommes et les femmes de Similius revêtent leurs plus blanches tenues et s’offrent breuvages et pâtisseries pour placer ce jour sous le signe du partage.

En milieu de matinée, le Grand Défilé commence. Viennent tout d’abord les soldats, vaillants combattants, marchant au rythme des battements de coeur de la foule. Des plus novices aux plus réputées, les Phalanges s’alignent dans un ordre impeccable. A l’intérieur de chacune d’elles, les gradés mènent leurs hommes comme leurs fils et leurs Frères. Derrière eux marchent les prêtres, resplendissant dans leurs habits de Lumière. Des diacres aux Réclusiarques, ils bénissent la foule des croyants venue rendre hommage à leurs protecteurs. S’alignent ensuite les paladins, reflétant chaque rayon solaire sur leurs armures étincelantes. Symboles de la puissance du Culte, ils veillent sur leurs Frères car ils se savent semblables. Marchant du même pas que ses hommes s’avance alors le Chapelain, entourés de ses Généraux, soldats et Chevaliers. Oreb traverse Ligleheim parmi ses troupes, suivant la même direction et la même voie.
Ce qui peut surprendre un visiteur la première fois qu’il assiste au défilé du Solstice, c’est que derrière le Chapelain, ses pieds nus sur la chaleur des pavés, marche Sigial, Incarna de Lumière. Simplement entourée de ses suivantes, elle offre son aura à ses fidèles. Nulle parole n’est nécessaire pour que se dispensent son amour et sa sagesse.
Un espace sépare la déesse de la cohorte des Frères du Repentir qui la suivent, les yeux rivés sur le sol. D’aucuns pourraient s’étonner que ces hommes qui ont perdu toute lumière participent à ce rassemblement. Mais malgré leurs faiblesses, ils se battent sans relâche au nom du Culte et mérite que la foule connaisse leurs visages. Il en est de même pour les Pèlerins, ces Frères et ces Soeurs qui ont quitté les rangs pour comprendre le monde afin de mieux le protéger. Menés par la Chanoinesse, ils participent, sans doute plus par protocole que par envie, à ce défilé rassemblant chaque élément du grand tout de Similius. Veillant sur ses voyageurs, Soeur Selundis maintient leur lien sacré avec l’armée.

Lorsqu’enfin l’astre entre au firmament, les fidèles, d’une seule et même voix, entonnent la Grande Litanie. Une heure durant, les voix de Sigial et d’Oreb se mêlent à celles de tout Similius. Les corps, les coeurs et les âmes de tous les croyants vibrent au rythme du soleil.
Une fois la Cérémonie terminée, le calme se fait sur l’esplanade pour entendre la Bénédiction de l’Incarna. Elle cède ensuite la parole au Chapelain qui annonce les volontés du Culte pour cette nouvelle année de Lumière.
Tandis que la déesse se retire, tous sont invités à un banquet monumental, qui durera une grande partie de l’après-midi. Une fois les libations officielles achevées, Oreb donne quartier libre à ses hommes jusqu’au coucher du soleil.

Commence alors la grande Fête des Feux. Chaque homme et chaque femme du culte, peu importe sa fonction ou son rang, peut offrir à la foule démonstration de ses talents d’orateur, de jongleur, de combattant, de musicien ou d’acrobate. Tandis que l’alcool coule à flots, des joutes de toutes sortes sont organisées : verbales, équestres, combats à mains nus ou dansés, tout est propice à une explosion de joie sous le soleil de fin d’après-midi. Les champs de blés fleurissent de couples rieurs et les tavernes débordent de jeux et de musique.
A l’approche du crépuscule, tous se rassemblent sur la grande esplanade pour brûler le Silence. Chaque année, c’est à la personne à qui Oreb veut rendre gloire qu’est donné l’immense honneur d’enflammer la gigantesque structure de bois et de paille. Je me souviens de la lueur dans les yeux de Selundis le jour où Oreb, par ce geste, a fait d’elle son bras droit. Lorsque s’embrase le Silence, tous sont invités à lancer leurs messages pour l’année future dans les flammes pour que celles-ci les portent jusqu’à l’Astre. Les cris de joie emplissent l’air, mêlés aux prières et aux louanges, réchauffant les coeurs comme le feu réchauffe les corps. Autour des autres feux, danses, chants et acrobaties s’improvisent et s’enflamment. Certains jeunes gens se lancent dans des triples sauts au-dessus des flammes, tandis que les plus anciens scandent le rythme de leurs mains et de leurs voix.
Et, tandis que le crépuscule s’installe sur les braises encore rougissantes, le peuple de Similius quittent les rues pour passer la fin de soirée en famille ou continuer les libations entre amis.

Pendant ce temps, au Temple, Sigial veille cette première nuit, guettant, sereine, l’arrivée d’une nouvelle aurore.

Fêtes des Équinoxes

Lorsque les plateaux des heures s’équilibrent comme ceux de la juste balance, toutes les bibliothèques s’ouvrent et tous les érudits posent leurs plumes. L’Equinoxe est la journée du libre esprit et de la verve sans entrave, de la parole sans tabou et des défis intellectuels.
Deux fois l’an, les fervents d’Eristia se permettent de refermer leurs grimoires pour respirer un air autre que celui des vieux parchemins. A cette occasion, de grands débats sont organisés sur les places, et chaque scène est ouverte. Les érudits boivent plus que de raison et les apprentis se permettent de dire à leurs maîtres qu’il y a des erreurs dans leurs travaux. Les archivistes se mêlent aux profanes en leur révélant de vrais-faux secrets et les alchimistes font de leurs explosions un spectacle. Les plus sages deviennent les plus fous, et les simples d’esprit sont élevé au rang des sages. Les voix des poètes emplissent les rues et les chants canoniques deviennent grivois.
Nulle horloge ne vient sonner les heures, nul conseil ne donne son avis. L’effervescence s’empare des esprits, avant de toucher les corps et les sens. Les quêtes perpétuelles de connaissance deviennent parfois plus charnelles, et les secrets se dévoilent dans le froissement des draps. C’est le jour de tous les projets, même les plus fous, le jour où l’on décide de partir explorer le monde jusqu’à la prochaine Equinoxe.
Au lever du soleil, l’on lit les grands auteurs depuis son balcon ou sa terrasse ; à midi, on proclame des tirades dithyrambiques comiques ou tragiques ; et au crépuscule, on ose enfin chanter ses propres vers et sa propre prose. De grandes danses sont entamées à travers les rues et les enfants ont la permission de courir dans les corridors des grandes bibliothèques. Si d’aventure il lui en prend l’envie, Aspériane sort mener le bal, tourbillonnant dans ses grandes robes et offrant la chaleur de sa voix à la foule.
La nuit entière n’est que libations en hommage aux arts et aux artistes, oscillant entre fêtes profanes et cérémonies d’initiés. Les fenêtres sur les esprits s’ouvrent par d’autres biais que l’étude, laissant les souvenirs brumeux mais les idées iridescentes.
Quand vient l’aube, la Grande Archiviste referme une à une les Portes à Clés, avant de faire sonner la grande cloche qui ramènera à leurs études tous les érudits et à leurs rands tous les apprentis, et qui résonnera dans leur crâne toute la journée ?
Deux fois l’an, les Portes s’ouvrent, les savoirs sortent mais jamais les secrets ne s’échappent.

Le Rassemblement de l'Ours

C’est lorsque la lune devient rousse et que les jours se font froids qu’à lieu le grand Rassemblement de l’Ours. Toutes les tribus barbares des terres connues se réunissent au centre des grandes plaines d’Ulvur pendant la saison des vents, pour troquer histoires et fourrures, exploits et venaisons avant l’arrivée de l’hiver.
Des lunes entières, chaque tribu a parcouru les vastes terres pour chasser de nouveaux gibiers et défendre leurs territoires contre les soldats et les sauvages. Au coeur de l’hiver, chacune se retrouvera dans son campement, sa tanière, pour boire autour du feu et défendre leurs territoires contre les soldats et les sauvages. Le Rassemblement de l’Ours est l’occasion de se retrouver mais surtout de s’affronter dans l’Arène. Les plus valeureux barbares ont démontré leurs talents de combattant face à leurs ennemis et vont à présent pouvoir honorer Voorl’ik face à leurs frères.
Les festivités de la plus grande fête barbare de l’année débutent avec les hommages des tribus au Chapelain. Un par un, les chefs barbares viennent lui offrir un produit de leur chasse, en souhaitant avoir l’honneur de l’affronter dans l’Arène. Si elle est présente, ils saluent ensuite Vioor’la, que ce cérémonial ennuie. Ou amuse, selon l’heure. S’ouvre ensuite le grand échange, où toutes les tribus se mêlent pour commercer et se transmettre les informations des quatre coins des steppes. Les alcools coulent à flots tandis que d’immenses pièces de gibiers grillent et rôtissent aux dessus des feux.
Puis vient le début de l’Arène. Chaque tribu envoie un champion, généralement le chef, en affronter un autre, sous l’oeil du Chapelain. Comme le veut la Tradition, chaque combattant dépose un objet personnel dans le panier du juge, qui en extraira deux pour désigner le prochain affrontement.
Les deux barbares s’approchent alors, saluent leur Incarna d’un hurlement de rage avant de se jeter dans le combat. Dans l’Arène tous les coups sont permis. Mais il n’y a aucun honneur à tricher ni à frapper un ennemi à terre. Et lors du Rassemblement de l’Ours, rien n’est plus important que l’honneur. Parfois la Reine Hurlante entre dans l’Arène, et c’est une immense fierté que de tenter de l’affronter.
La journée avance au rythme des combats, tandis que les autres membres des clans mangent, boivent, jouent et chantent à travers la plaine. Lorsque le barbare le plus fort et le plus valeureux a triomphé de tous ses adversaires, les tribus entrent dans une folle liesse, faite de cris et de rires, de danses et de tambours. Cet éclat passé, le nouveau champion se présente au Chapelain, afin de le défier. Le silence se fait peu à peu, avant d’être brisé par le martèlement rythmé des mains et des pieds frappant une cadence de plus en plus soutenue. Plus longtemps dure le combat, plus grande est la gloire du champion. Il arrive même parfois que certains parviennent à toucher Mitrios. Alors toutes les gorges laissent échapper la même puissance, la même rage, et reconnaissent à nouveau leur Chapelain comme l’élu de l’Incarna mais également comme le plus puissant d’entre eux. S’en suit un immense banquet, où la graisse et l’alcool se mélangent dans les cris et les rires.
Autour des feux, certains anciens entament les grandes veillées pour transmettre aux plus jeunes le savoir de leur peuple. En cet instant où jour et nuit sont égaux, les histoires deviennent vivantes au coeur des flammes.

Le Solstice d'Hiver

Si par erreur un jour, ou plutôt une nuit, tu t’égares au coeur des Baronnies, tâche d’en connaître les us et les coutumes. Surtout si tu t’y rends lors de la Nuit la plus longue…
Au commencement de l’hiver, lorsque la lumière s’efface enfin pour laisser place à l’ombre, le Grand Jeu peut débuter, entrainant dans son sillage les pantins et les marionnettes de toutes sortes. S’ouvre le grand bal des masques et des sourires, des joailleries et des riches étoffes.

Tout commence au Crépuscule, lorsque s’éveillent les sens et s’ouvrent les appétits. Les fidèles de Nadiir sont alors conviés au Temple afin que leur soit délivrées les divines visions de Nocturne. Enoncées par les oracles et la Sybille en personne, les prophéties issues des rêves de la déesse émerveillent et enchantent les siens pour les douze Lunes à venir. Les chants sacrés emplissent les colonnades et se laissent porter par la douce brise qui fait danser les voilages bleus et pourpres.
C’est durant ces heures que nombre de profanes et de prophètes trouvent leurs grandes Inspirations. Au gré des allées et des ruelles, les oracles et les pythies répandent la parole de la déesse et interprètent les rêves de tous les mortels. Car cette nuit la plus longue est tout entière inspiration, et le peuple de Nadiir est tout entier au bord de la transe. La plupart des Prophètes attendent cette nuit pour communier avec les étoiles, non pas en laissant aller leur corps sur les ondes de la musique, mais pour laisser aller leur esprit sur les fleuves des brumes et des effluves. Déliés de leurs attaches, ils s’illuminent sous le clair de lune et ramènent de leurs voyages immobiles l’essence même de leur croyance et de leur art, des visions à la fois pures et troubles, claires et nébuleuses. Le matin les trouvera l’esprit et le corps embrumés, ne se souvenant pas de cette nuit mais avec en mémoire des images plus vivantes qu’un souvenir.
Toutes les rues appartiennent à la nuit, et la nuit appartient à tous les passants. Deimons et garous, humains, lamianes et drows se mêlent pour faire étalage de leurs arts sous la lueur des étoiles. La foule bigarrée évolue dans les chants et les danses, dans les théâtres et les musées, dans les boudoirs et les salons. Les tavernes débordent de clients comme les fumeries débordent d’opium. Des jeux de cartes, de dés et de corps débutent dans les maisons closes et les tripots tandis que la nuit avance.
Est également donné, dans chaque maison noble, un immense banquet réunissant les notables de l’année, goûtant grands crus et mets raffinés au milieu d’un ballet de serviteurs.
C’est également l’occasion pour le Cercle des Immortels de célébrer cette nuit en compagnie de Mellimat. A ce repas ne sont admis que les plus éminents lamianes, et même votre serviteur ne sait ce qu’il s’y murmure. En parallèle, chaque Matrone a une façon personnelle de rendre hommage à la déesse. Certaines accordent exceptionnellement des privilèges à leurs mâles, tandis que d’autres profitent de cette nuit pour assouvir encore d’avantage leurs désirs.

Mais tout s’efface, ou plutôt tout se dissimule, lorsque vint l’heure du Grand Bal. Sous les masques et les soieries, qu’importent la caste et la race. Si vous êtes entrés dans le domaine du Chapelain, c’est qu’il vous en a jugé digne. Ou que cela sert ses desseins.
La musique envahit alors les rues, et toutes les portes s’ouvrent. Chacun, derrière son masque, est libre d’aller où bon lui semble et de faire ce qu’il lui sied. Dans la foule, les corps se rapprochent et les sens s’enivrent. Des déclamations s’élèvent, rime après rime et verre après verre. D’aucuns prétendent que parmi les râles ce cette nuit, certains poussent leur dernier. Les galeries d’art regorgent de visiteurs, mais certains se lovent à plusieurs dans les alcôves plus qu’ils n’admirent les oeuvres de maîtres. Les intrigues et les complots se nouent et se dénouent au même rythme que les corps, les lèvres délivrant messages et baisers, les mains caresses et colis. Les poignards jouxtent les éventails et le vin ruisselant sur le sol se mêle à d’autres flux.

Alangui sur son trône, entouré des plus magnifiques, et des moins vêtues, créatures de la soirée, le Chapelain de la Nuit est le seul à ne pas porter de masque. Buvant et mangeant plus que ses hôtes, il observe la foule comme on regarde une scène. En retrait, légèrement dans l’ombre, son bras droit veille. Si vous l’apercevez, soyez tranquilles. Car c’est quand il se soustrait à votre vue qu’Esis Tyraël est le plus dangereux. Maître assassin et maître des ombres, chacun de vos mouvements lui est connu. Il est les yeux et les oreilles, mais également la voix, de Mellimat.
Plus la nuit avance, et plus les perceptions se brouillent. La viande, le vin et la luxure coulent à flots, sous l’oeil lointain du Chapelain. Dans une des chambres du manoir dort la Rêve-Monde, tandis que dans toutes les autres, son peuple met en oeuvre ses fantasmes.

Lorsqu’enfin vient l’aube, les rares corps encore en état sortent sur les terrasses pour huer ce soleil trop vif, avant de retourner s’alanguir dans le stupre des coussins.
Sur un signe à son ombre, Mellimat quitte alors la scène.

Rites de la Renaissance

Il est un instant dans l’année où le monde s’éveille. Où chaque être, chaque esprit s’ouvre à nouveau au grand tout pour croître parmi les siens. Ce jour est nommé par les adeptes de Syrvana « Renaissance ». Lorsque les jours sont à nouveau plus longs que les nuits, le peuple de la forêt est appelé à accompagner le réveil de la Nature par des rites sacrés et par une grande célébration regroupant meutes, tribus et clans. Lors de ces rites, même les chamans qui vivent solitaire au coeur de la forêt, au plus proche de leurs esprits, rejoignent la meute de l’Incarna.
A l’aube, chaque conscience se tourne vers l’astre en remerciant Syrvana de l’inonder de sa chaleur. Puis vient le temps du Grand rassemblement, où tous les peuples de Melitis échangent secrets et merveilles, entendues, vues ou trouvées dans la Grande Forêt. Les histoires que la tradition orale maintient vivaces sont à nouveau racontées et entendues en ce lieu. Rapidement l’on se regroupe par savoir-faire, pour partager et apprendre auprès des siens. Dans toute la forêt environnante sont installés des carillons de bois, qui tintinnabulent au gré de la brise.
Lorsque la lumière a totalement emplie la voûte des arbres centenaires, arrive l’heure des offrandes à Syrvana. Chacun est appelé à donner une part de soi pour accompagner ce nouveau cycle : une goutte de sang, une mèche de cheveux, quelques larmes, afin de faire partie intégrante de Syrvana. Chaque enfant né dans l’année se voit ensuite lier par l’Incarna à un être végétal et à une créature animale de la Grande Forêt qu’il devra protéger tout au long de son existence.
Les bénédictions achevées, débute alors la Grande Chasse. Les meutes de Syrvana investissent, à une vitesse fulgurante et avec une puissance quasi-dévastatrice, les sous-bois alentours, dans une traque qui ne s’achèvera qu’au crépuscule. Tandis que les guerriers et les chasseurs disparaissent, les chamans et les herboristes préparent la Grande Transe.
Laissant les plus jeunes se disperser pour des courses ou des défis, escaladant les plus grands arbres et s’essayant à l’arc, les anciens du culte forment le Cercle de la communion. Silencieux et reliés les uns aux autres en esprit, ils se libèrent de leur enveloppe charnelle pour ne plus former qu’un seul et même esprit, une seule et même âme, avec le reste de la Forêt. De leur voyage, ils ramèneront des impressions de plénitude et de grandeur, des instants d’omniscience et une profonde compréhension de la nature de chaque être.
Chez les adeptes de Syrvana, tout est passion. S’ils ne se laissent pas dominer par la rage comme leurs cousins primaux, ils ne vivent pas moins à l’instinct, se laissant guider par leurs sens et leurs envies. Les joies et les peines sont profondes et sincères, les amitiés indéfectibles, et les trahisons tiennent du blasphème. La Nature ne fait pas de concession, elle aime et protège les siens de toutes ses fibres, détruisant sans une once de pitié quiconque attenterait à sa progéniture. Le coeur de Melitis bat au même rythme que celui des loups et es elfes, des arbres et des biches, et de toutes les âmes de sa forêt.

Et c’est sur ce rythme qu’au clair de lune, après un immense banquet issu des fruits de la Grande Chasse, débute la Transe. Chacun à leur manière, les chamans rendent hommage à leur esprit protecteur et protégé. Puis les herbes et les plantes dénouant les attaches commencent à brûler, emplissant la voûte de parfums tantôt entêtants, tantôt subtils, ouvrant les sens à de toutes nouvelles perceptions. Dans ces volutes de fumée, les chamans montrent des visions apaisantes ou cauchemardesques, de grands tableaux ou des images brèves se succédant rapidement, selon leur vision propre des volontés des esprits. S’approchant du feu central, Melitis jette une poignée de graines sur les braises rougeoyantes, tandis que les chamans se rapprochent d’elle et que les peaux des tambours commencent à vibrer.
La Mère des Loups entame alors sa danse, et, dans l’entrelacs de ses mouvements, sa meute chamanique se met à bouger. Une mélopée sourde leur échappe peu à peu, des ondulations vibrantes qui prennent le cercle aux tripes. Puis le rythme s’accélère. Chaque danseur suit sa propre voie, sa propre gestuelle. Certains ne bougent quasiment pas, tandis que d’autres enchainent les acrobaties. Au centre, Melitis semble scander le rythme avec chaque parcelle de son corps. Le chant rauque qui s’échappe de sa gorge est repris en sourdine par les loups de l’assistance. Et tous les tambours continuent à accélérer, les mains frappent les peaux comme les pieds frappent le sol. Le regard des chamans est déjà dans un ailleurs, dans une proximité avec la Mère que seuls eux atteignent.
Le rythme continu encore et encore à accélérer, les chamans s’affaissant les uns après les autres à même le sol, la Transe ayant consumé chaque parcelle de leur énergie. Et Melitis continue à danser. Elle continuera toute la nuit, tant qu’il y aura un adepte pour maintenir le rythme, ce lien avec les coeurs de ses enfants. Lorsque tous seront endormis, elle disparaitra alors, dans les lueurs de l’aube, laissant son peuple renaître comme la Nature, l’âme des chamans emplie de puissance et de prophéties.